Une meilleure façon de considérer la balance commerciale est de la considérer comme la différence entre tout ce que nous produisons et vendons dans le monde, c’est-à-dire notre PIB, et tout ce que nous achetons. Lorsque nos achats excèdent nos ventes, cette différence constitue notre déficit commercial. Ainsi, les droits de douane ne réduisent le déficit que s’ils augmentent la production ou incitent les ménages, les entreprises et le gouvernement à réduire leur consommation et leurs investissements.
En outre, les droits de douane augmentent les coûts et rendent l’économie moins efficace. Ils obligent les ménages à payer davantage et augmentent les coûts des intrants intermédiaires pour les entreprises. Ils réduisent également la nécessité pour les entreprises nationales de soutenir la concurrence, ce qui nuit à l’innovation et aux consommateurs.
Les droits de douane risquent donc d’affaiblir la consommation, l’investissement et la production. Ils réduiront la productivité au lieu de déclencher le boom de productivité promis par ses défenseurs.
L’argument le plus souvent avancé en faveur des droits de douane est qu’ils constituent un outil de négociation pour obtenir des concessions commerciales. Mais les grands pays sont tout aussi susceptibles de riposter que de se soumettre, surtout si les États-Unis sont perçus comme violant les accords commerciaux. Outre les dommages économiques qui en résultent, les effets positifs sur la balance commerciale américaine ne sont pas garantis. Le bilan de la première administration Trump le montre clairement.
Si les tarifs douaniers ne sont pas susceptibles d’augmenter la production, est-il utile de comprimer la consommation et l’investissement simplement pour réduire le déficit commercial ?
Les commentateurs conservateurs soulignent que lorsque les Américains paient leurs importations non pas avec des exportations mais avec des obligations et des actions, ils s’engagent à fournir un flux perpétuel d’intérêts et de dividendes aux étrangers. Selon eux, l’Amérique ne parvient pas à assurer l’avenir, à l’image d’un ménage dépensier qui emprunte pour dépenser au-delà de ses moyens.
Enfin, même si les données sur le rendement des investissements internationaux sont imparfaites, les États-Unis restent un bénéficiaire net de leurs transactions financières internationales. Même si le pays a emprunté à l’étranger par le biais de ses déficits commerciaux, il détient de vastes actifs étrangers en plus de ses dettes envers les étrangers, à la manière d’un fonds spéculatif.
Certes, contrairement à un fonds spéculatif, le passif des Etats-Unis dépasse leur actif. Mais pour l'instant, les coûts d'emprunt internationaux des Etats-Unis sont suffisamment bas pour que l'Amérique gagne plus sur son énorme stock d'actifs étrangers que ce qu'elle paye sur ses dettes extérieures encore plus importantes.
Selon les statistiques de la balance des paiements des États-Unis, le gain net des investissements internationaux des États-Unis s’est élevé à 15,12 milliards de dollars au premier trimestre de cette année. Si les États-Unis ne peuvent pas conserver éternellement des déficits commerciaux, les coûts actuels de ces déficits ne justifient guère des mesures drastiques – et certainement pas des droits de douane inefficaces et préjudiciables.
Le programme du Parti républicain de 2020 ne l’évoquait que parce que l’intégralité du document avait été repris de 2016. Le Parti républicain est depuis resté silencieux sur la question, tout en dénonçant les déficits commerciaux et en approuvant les tarifs douaniers. Le programme démocrate de 2020 était également dans le déni ; et bien que le programme de 2024 soit toujours en construction, il ne faut pas en attendre grand-chose.
Il n'en demeure pas moins que le déficit public est l'un des principaux facteurs du déficit commercial. Des mesures visant à rendre la dette fédérale soutenable amélioreraient directement la balance commerciale en réduisant les dépenses publiques et en taxant le pouvoir d'achat du secteur privé.
Mais le principal avantage ne serait pas une réduction du déficit commercial, mais plutôt une réduction du fardeau qui pèserait sur les générations futures, et notamment un moindre risque de crise de financement du gouvernement à l'avenir. A l'inverse, si la dette publique américaine continue sur sa trajectoire actuelle, faisant grimper les coûts d'emprunt du gouvernement, une dette extérieure croissante deviendrait en effet beaucoup plus coûteuse et problématique.
Pour l’instant, cependant, le déficit qui compte est celui dont aucun parti politique ne veut parler.